Accusée Red Bull, levez-vous !
|« Brillant l’ami. Je pense que l’on peut voir ton sourire de là où l’on se trouve. Beau boulot ! »
Ce sourire que devinait dans sa radio Simon Rennie, ingénieur de course de Daniel Ricciardo, n’est désormais plus qu’un lointain souvenir. L’Australien qui gardera malgré tout gravé à tout jamais les émotions ressenties en cette fin de course, porté qu’il fut par un public dont la ferveur n’avait d’égale que celle qui toucha les tribunes de Melbourne, au soir de la 5ème place de Mark Webber au volant de sa modeste Minardi, s’est en effet vu dépouillé d’un podium qu’il avait pourtant plus que mérité. Donné comme le choix de la facilité, annoncé comme la brebis égarée que Red Bull allait offrir en pâture à ce loup de Sebastian Vettel, l’Australien a finalement pu montrer que la combinaison de Mark Webber n’était pas trop grande pour ses épaules, profitant des difficultés rencontrées par son champion du monde de coéquipier pour rendre une copie irréprochable.
L’explosion de joie des mécaniciens de l’écurie autrichienne, au passage de la RB10 sous le drapeau à damier, était quant à elle toute aussi touchante. Petites mains de succès de Red Bull ces dernières années, les hommes de Milton Keynes méritaient tout autant que Daniel Ricciardo cette douche de champagne tant ils ont consenti d’efforts pour redresser une situation pourtant bien mal embarquée lors des essais privés.
En effet, après quatre années d’une démonstration de maîtrise et de facilité, d’une domination implacable qui amena plus d’un observateur à minimiser la performance, Red Bull avait réussi, par ce seul Grand Prix d’Australie, à prouver à tous ceux qui en doutaient encore que le succès ne leur était pas venu par la bonté divine mais par un effort collectif exemplaire. La Formule 1 pouvait d’ailleurs elle aussi s’enorgueillir de voir l’écurie quadruple championne du monde en titre revenir du diable Vauvert car si certains se pourléchaient les babines de voir la bête blessée dans l’arène, personne ne serait sorti grandi de son triomphe sur un Taureau mis genoux à terre sans que le matador n’ait eu à lui planter la moindre banderille.
Et pourtant, passée maîtresse dans l’art d’interpréter la réglementation, l’écurie de Milton Keynes a trouvé le moyen de se gâcher la fête. A peine rangée au pied du podium, la RB10 frappée du n°3 faisait ainsi l’objet d’une investigation, l’écurie autrichienne étant suspectée d’avoir enfreint l’article 3.2 du règlement sportif de la Formule 1 ainsi que l’article 5.1.4 de la législation technique imposant aux écuries un débit maximal d’injection du carburant de 100kg/h. Inutile de revenir ici sur la version des uns et des autres, chacun pouvant se forger sa propre opinion à la lecture des différents articles sur le sujet ou en écoutant le SAV de la course du Grand Prix d’Australie.
Car le plus intéressant, ce qui est peut-être fondamentalement le plus inquiétant, c’est que l’on ne se trouve pas simplement face à une écurie qui a été prise la main dans le sac en train de tricher, mais face à une écurie qui, ouvertement, défie l’autorité de la FIA au point de ne pas en suivre les indications techniques et réglementaires sur la foi d’un capteur fait maison et non-homologué. Mais comment le leur reprocher ?
Évidemment, comme le dit Charlie Whiting, Red Bull ne peut s’en prendre qu’à elle-même, à l’image d’un enfant qui, malgré les avertissements de ses parents, se met à braire une fois la main posée sur la porte du four où est en train de rôtir le poulet dominical. Mais après tout, Red Bull ne faisait-elle pas partie de ces écuries qui, la saison passée, se plaignaient de la dangerosité des pneumatiques Pirelli tout en se soustrayant impunément aux directives du manufacturier italien concernant le pré-chauffage des gommes ou bien encore en inversant le sens des roues pour retrouver un peu de gommes fraîches sur des pneus usés entre les qualifications et la course ?
Comment blâmer aujourd’hui Red Bull de défier l’autorité d’une instance qui s’est totalement discréditée dans l’affaire des essais secrets de Barcelone menés par Pirelli avec une Mercedes de la saison en cours ? Après tout, si flirter avec le règlement a toujours été un science pour ne pas dire un art en Formule 1, l’outrepasser semble être devenu, ces dernières années, une chose quelque peu banale, la FIA ayant peu à peu vendu son autorité pour aujourd’hui se réfugier derrière quelques pouvoirs régaliens histoire de sauver les apparences.
Alors, à l’heure où l’on évoque le look des monoplaces ou le ronronnement des V6 comme sources potentielles de discrédit pour la Formule 1, cette affaire doit simplement nous rappeler que les écuries ne font aujourd’hui que profiter des lacunes d’une FIA en peine d’autorité. Évidemment, en disqualifiant Red Bull, la Fédération Internationale de l’Automobile tape du poing sur la table, mais comment ne pas y voir une réaction d’autorité un peu tardive et… sans doute vaine ?
Il semblerait que le RBR de Vettel, contrairement à celle de Ricciardo, était calée sur le débitmètre de la FIA. Si cela était avéré, cela voudrait dire que RBR avait calculé son coup: Vettel ne prenait pas le risque de perdre des points aussi petit soient ils, tandis que Ricciardo était désigné pour faire un barroud d’honneur. Qu’en pensez vous ?
Ah, la théorie du complot que j’aime tant. Je ne vais pas vous poser la question de l’intérêt qu’aurait Red Bull à s’exposer à une perte de point (alors même qu’on se posait la question de s’ils allaient pouvoir en marquer). Si Red Bull s’est fié au débitmètre de la FIA sur la voiture de Vettel c’est tout simplement parce que celui-ci a correctement fonctionné et que ses résultats ne présentaient pas d’anomalie.
Le problème sur la voiture de Ricciardo, c’est que le débitmètre présentait des anomalies de calcul que la FIA a proposé de corriger en tenant compte d’une marge d’erreur donnée. Red Bull a préféré se fier à son propre débitmètre, entrant doublement en infraction avec le règlement : premièrement en dépassant le débit calculé par le débitmètre de la FIA qui reste le seul outil de contrôle homologué, deuxièmement en utilisant un capteur non-homologué par la FIA. Red Bull peut se défendre en disant que le débitmètre FIA n’est pas fiable, mais son débitmètre n’a pas plus de valeur, tout du moins au regard de la règlementation. Red Bull aurait donc dû s’en tenir aux consignes de la FIA qui lui permettait de rouler avec une voiture homologuée.
A mes yeux, Red Bull cherche à abuser d’une situation dont elle aurait également chercher à profiter si ça c’était produit sur la voiture de Vettel. Une brèche, malgré leurs déclarations, dans laquelle Ferrari et Mercedes se seraient aussi engouffrés s’ils en avaient eu l’occasion.
Choix délibéré ne veut pas dire complot. Loin de moi la théorie du complot (et je m’en défends toujours). Simplement RB n’aurait pas refusé de se référer au débitmètre FIA si cela n’aurait pas été trop pénalisant pour Ricciardo (en course, comme peut être aux essais malgré la pluie). Je pense qu’ils se sont dit qu’ils en apprendraient plus sur leur compétitivité en optimisant le rendement de Ricciardo, quitte à risquer la disqualification. Vous dites que le débimètre FIA de Vettel leur donnait satisfaction, je l’ignorais. Je croyais que TOUT le monde avait ce problème de débitmètre peu fiable et queTOUT le monde (sauf Ricciardo) s’était conformé en se donnant une marge d’erreur. Le moteur Renault ne serait il pas plus sensible à un débit réduit, même de 0,3% ??
Encore une fois, je ne vois pas l’intérêt de Red Bull de perdre des points. Ils ne peuvent rien apprendre en roulant avec une voiture considérée illégale. Mais admettons ! Si Red Bull voulait faire des tests, ce n’est pas avec une voiture qui tape le podium, mais avec une voiture qui n’a plus de chances de marquer des points et où la disqualification serait sans conséquence. Une écurie comme Red Bull ne peut pas s’asseoir sur 18 points et compromettre son image : on parle là quand même d’une marque mondiale qui a une image à défendre.
Concernant le débitmètre, de manière générale, il respecte les seuils de tolérance fixés par la FIA. Ils ne sont pas fiables à 100% et toutes les écuries ont rencontré des problèmes avec ce débitmètre au point d’inciter la FIA à prévoir une procédure en cas de défaillance. Maintenant, ce n’est pas pour autant que tous les débitmètres, ce dimanche, ne fonctionnaient pas. Il y a effectivement eu d’autres cas mais lors des essais ou durant l’intersaison.
Concrètement, je ferais une comparaison entre le débitmètre et un radar routier. Ils servent tous les deux à s’assurer qu’on respecte la vitesse (d’injection de carburant pour l’un, de la route pour l’autre) et ils disposent tous les deux d’une marge d’erreur dont les autorités tiennent compte avant de sanctionner. Après, tout n’est que question de fiabilité et, si je prends encore mon exemple du radar, il y a un paquet de radars qui tombent en panne et son inactifs. Mais ce n’est pas pour autant que l’on est autorisé à dépasser la vitesse autorisée sous prétexte que le moyen de contrôle n’est pas fiable. Ici, c’est ce qu’à fait Red Bull.
Après, concernant votre question sur le moteur Renault, le débitmètre est une pièce homologuée par la FIA qui est simplement chargée de mesurer la vitesse d’injection du carburant. Qu’il soit connecté à un V6 Renault, Mercedes ou Ferrari ne change rien, tout comme un radar n’est pas sensible au modèle d’une voiture.
Concrètement, ce qui est reproché à Red Bull, ce n’est pas tant d’avoir dépassé le débit autorisé (car même la FIA reconnaît que ça n’était pas sous leur contrôle) mais c’est de ne pas avoir écouté les avertissements de la FIA qui leur a simplement expliqué durant la course qu’ils n’auraient pas d’autre solution que de déclarer la voiture non-conforme sauf s’ils réduisaient le débit selon leurs indications, tout simplement parce qu’ils étaient incapables de dire le débit. La FIA a dit à Red Bull comment s’assurer que sa voiture soit conforme et Red Bull n’a pas écouté.
OK. Je dois donc comprendre que RBR est coupable de ne pas avoir écouté la FIA, par pur orgueil, ou stupidité, et non pas pour obtenir un gain de performance ou de fiabilité !!!!
Au contraire, Red Bull a très bien calculé son coup, en misant sur la faiblesse de la FIA. Personnellement, je ne donne pas la disqualification acquise jusqu’à épuisement de tous les appels, parce que je pense que Red Bull dès le départ entend profiter d’une faiblesse de la FIA et épuisera tous les recours en pensant avoir raison, tout simplement parce que la FIA s’est mise au niveau des écuries et non plus au-dessus de la mêlée. Elle est devenu un organe dont on peut discuter les décisions et Red Bull l’a bien compris. Ils ont même dit l’an dernier qu’ils avaient retenu les leçons de l’affaire Pirelli/Mercedes et je pense qu’ils sont bien conscients de ce qu’ils font et n’ont pas du tout réagit par orgueil.
Bonjour Dino, RB ne fait elle pas un mauvais calcul sachant que :
-comme l’a confirmé Eric Boullier (lu sur toile F1) que d’ autres équipes avaient rencontré le même problème aux essais de Barheïn et avaient ajusté leur débit afin d’être conforme aux prescriptions de la FIA.
-En changeant radicalement de comportement les hommes de la FIA, habitué a des prises de décisions abruptes et souvent non comprises, ont ici été clair et prévenant en informant de la situation RB lors de la course et s’excusant dans le communiqué pour D.Ricciardo.
Je trouve donc que la FIA est en position de force et que RB n’aura aucun soutient des autres équipes sur ce point technique et que l’appel,qui pour moi, est voué à l’échec permettra justement à la FIA de reprendre un peu de légitimité
Il est évident que la FIA tient aujourd’hui une opportunité en or de reprendre la main et il est à noter qu’ils font des efforts pour justifier leurs décisions. Maintenant, je ne dirais pas pour autant que la FIA est en position de force.
Tout d’abord, la FIA n’a pas besoin du soutien des autres équipes. Que Mercedes ait choisi de suivre les directives de la FIA, ça ne change rien à la question posée par Red Bull dans cette appel : « Peut-on être sanctionné si on refuse de se soumettre à un outil de contrôle que l’on sait défaillant ? »
Autant je condamne fermement l’insolence de Red Bull, autant j’estime que cet une question qui, juridiquement, peut se débattre. Or on a vu avec le cas de Briatore ou de Mercedes plus récemment, qu’aujourd’hui les décisions de la FIA pouvaient être contestées sur le plan juridique avec l’intervention d’avocats.
Ce n’est pas parce qu’on bombe le torse et sort les muscles que l’on est pour autant le plus fort. C’est en descendant en vainqueur du ring que l’on jugera de la position de force. La réalité c’est que la FIA n’est plus omnipotente.